Expérience Client / The French Forum ? C’est la Juilliard School* de l’expérience client
Interview de Manuel Jacquinet, créateur de l’événement, le 24 juillet 2014
Pourquoi, en 2013, avez-vous décidé de créer un événement dédié à l’expérience client ?
Parce que je suis convaincu qu’une entreprise, une marque ou un commerçant de quartier qui ne s’intéresse pas à cette question est condamné. Le e-commerce et la folie du low cost ont bouleversé la façon de gagner et de fidéliser un client. La baguette « Tradition » est à 1,30 € chez mon boulanger et à 0,80 € en grande surface. Si je veux acheter un livre, Amazon me le propose vite et le livre pour presque rien. En clair, dans tous les secteurs, soit vous choisissez, parce que vous en avez les moyens, d’être le moins cher, soit vous décidez de redevenir un commerçant et d’écouter vos clients. Ceux-ci attendent de bons produits, de bons services, mais aussi les signatures émotionnelles ou d’autres éléments différenciateurs – moins d’attente à la caisse, une personnalisation du service etc. Le commerçant, au sens noble du terme, c’est celui qui va imaginer, créer, délivrer une expérience client différente et qualitative grâce à une émotion, une « signature », un geste personnel. C’est toute la différence entre un marchand, avec qui je fais seulement une transaction, et le commerçant, avec lequel je noue une relation.
Ma vie professionnelle m’a permis d’être successivement libraire, transporteur, vendeur de publicité ou de skis, consultant, producteur de film et me voilà éditeur. J’ai appris au moins une chose essentielle de ces différentes expériences : le client est roi, arbitre, mais il en veut désormais plus.
Et les entreprises et marques mythiques sont celles qui l’ont compris : à l’époque où je vendais des skis, un 7S, c’était plus qu’une simple « planche », c’était LE ski avec lequel Alberto Tomba enchaînait les victoires en Coupe du Monde, celui dont on avait tellement consulté la fiche produit qu’on en connaissait par cœur les lignes de côte et la composition ! C’était ce bout d’histoire que les skis Rossignol vous proposaient d’acheter et ça se méritait : à l’époque, nous nous attachions à ce que les détaillants qui pouvaient le vendre soient de vrai spécialistes, capables d’expliquer au client ce qu’ils avaient entre les mains.
Et pour vous parler d’une autre de mes passions, si Bruce Springsteen remplit les salles depuis vingt ans, c’est que «le Boss» en donne plus que les autres en 3h30 de concert et qu’il est accompagné du… E-Street Band. Vous aurez compris pourquoi j’organise un forum sur l’expérience client et pourquoi celui-ci ne se réduit pas à un livre blanc ou à un webinar…
Justement, pourquoi l’appeler « The French Forum » et faire venir les gens hors de Paris pendant deux jours ?
Les spécialistes du retail, jusqu’à l’an passé, connaissaient un seul rendez-vous : le congrès de la NRF (National Retail Federation) à New York, en janvier. Et quand on parle de champions, on cite toujours Amazon, Apple, Asos, etc. Or, il y a en France de véritables maîtres de « l’expérience utilisateur », de « l’expérience shopping », du « design d’expérience client » : des entrepreneurs qui ont testé des choses dans ce domaine, des éditeurs de solutions, des spécialistes de la formation en expérience client, etc. Par exemple, lorsque la SNCF décide d’installer des pianos dans ses gares, ça change tout. Lorsque la Fnac décide de créer des caisses dédiées, une ligne téléphonique spécifique pour passer commande, pour ses plus grands clients avec la carte « One », qu’elle organise le click-and-collect, c’est qu’elle a compris qu’elle doit aller défier Amazon sur le terrain de l’expérience client. Lorsque Gilbert Collard, dans sa la librairie la Griffe noire, affiche haut et fort ses choix, dote sa librairie d’un site internet, c’est également pour apporter à ses clients un élément différenciateur et les faire revenir en magasin. Éditeur d’un magazine spécialisé sur les questions de relation client depuis 14 ans, j’ai l’occasion de côtoyer ces innovateurs, de les découvrir. Il m’a semblé naturel de clamer haut et fort qu’en France aussi on a des champions dans le domaine, ou qu’on peut le devenir. D’où l’intitulé « Expérience Client / The French Forum ».
Parallèlement, sur toutes les questions du web, du digital, j’en ai aussi soupé des conférences creuses, avec toujours les mêmes discours, les mêmes intervenants. J’ai voulu et j’ai rêvé, en créant cet événement, retrouver la force et l’acuité des leçons inaugurales au Collège de France. Un vieil homme, parfois en tongs, muni de quelques feuillets dans un sac en plastique peut, en deux heures, transformer radicalement votre regard sur une question apparemment mineure. Et ça change tout.
Une règle, donc, pour cette manifestation : d’authentiques témoignages, par les meilleurs. Pas de blabla, pas de contributions de soi-disant experts patentés qui n’auraient jamais rencontré de vrais clients ou dirigé des entreprises. Deux impératifs : la concision et l’illustration. Un clin d’œil, enfin : on est en France, on y possède ou rencontre des champions du service ou de l’expérience client. Les conférences se tiennent donc en français et si possible sans la « novlangue » qui suinte partout.
Pourquoi la Baule et un bel hôtel ?
L’industrie du luxe et l’industrie hôtelières sont deux des secteurs les plus en avance sur la question de l’expérience client ; on peut « importer » beaucoup des savoirs-faires de ces métiers. D’autre part, je suis convaincu que pour apprendre, travailler, échanger, certains lieux contribuent fortement à l’alchimie.
En avril 2013, j’avais trois jours pour trouver un lieu susceptible d’accueillir 120 dirigeants, accessible en 3 heures depuis Paris. Les équipes de l’hôtel Hermitage Barrière ont été réactives, engagées ; ca m’a plu, elles ont fait un travail remarquable et on a donc décidé d’installer l’événement chez eux. Quand on dit que l’expérience client permet de fidéliser, ce n’est pas seulement un discours !
1 900 euros – c’est le montant des frais d’inscription – pour deux jours à la Baule, c’est beaucoup…
C’est très peu, c’est donné ! (sourires) Notre promesse est claire vis-à-vis des intervenants comme des participants. Aux premiers, nous garantissons une audience attentive et motivée : l’entrepreneur, le directeur marketing ou d’expérience client, le consultant qui vient se former à la Baule y consacre deux jours de son temps et de l’argent. Les deux ressources rares de notre époque. C’est une véritable preuve d’intérêt.
Aux seconds, nous offrons un tour d’horizon complet grâce à 30 master-classes et conférences courtes. Mais aussi la possibilité d’échanger, de nouer des partenariats, de rencontrer des décideurs du domaine dans un environnement privilégié. En musique ou en danse, vous pouvez être déjà un virtuose et vouloir vous frotter aux meilleurs ; dans ce cas-là, vous ferez tout pour entrer à la Juilliard School à New York ou au Berklee College à Boston. Si vous êtes un futur Quincy Jones, Diana Krall ou Pina Bausch – anciens de ces établissements – de l’expérience client, ou que vous voulez le devenir, meet us… à la Baule !
Propos recueillis par Louis Jacobée
*Juilliard School et Berklee College, deux des écoles de musique et d’art dramatique les plus réputées au monde. Elles accueillent, après une sélection rigoureuse, de jeunes musiciens, comédiens, désireux de travailler avec les plus grands maîtres pour le devenir eux-mêmes.