Bloctel s’annonce comme un grand succès populaire – mais ne va pas endiguer le sentiment du harcèlement téléphonique
COMMUNIQUE DE PRESSE
Paris, le 09/05/2016
Un Français reçoit en moyenne 2 190 sollicitations commerciales par an, dont 23% par SMS – soit plus de 6 par jour. Pourtant, plus de 36% des ces sollicitations ne seront pas couvertes par le dispositif Bloctel car elles émanent de sociétés dont le consommateur est déjà client ou prospect. D’autre part, dans 30% des cas, les commanditaires de ces campagnes seront impossibles à identifier.
Au Royaume-Uni, où un dispositif similaire a été mis en place, 175 000 plaintes ont été déposées en 2015. Aux Etats-Unis, où le dispositif est en vigueur depuis 2002, le montant total des amendes liées au harcèlement téléphonique est évalué à 1,2 milliard de dollars par an – dont seulement 10% sont recouvrés.
Moins d’un mois avant la mise en place effective de Bloctel, le dispositif légal d’opposition au démarchage téléphonique, la rédaction du magazine En-Contact a présenté le 9 mai les résultats d’une étude exclusive* :
- sur les sociétés françaises qui sont à l’origine de 80% des campagnes de télémarketing si souvent mal vécues par les usagers et consommateurs ;
- et sur l’impact prévisible du dispositif Bloctel.
Les principaux enseignements de cette enquête sont :
1 – Que le harcèlement téléphonique est ressenti comme un véritable fléau – pourtant, aucune définition légale n’en est donnée. C’est le sentiment d’être de plus en plus sollicité et pas entendu lorsqu’on déclare « ne pas être intéressé » , associé à la multiplication de ces sollicitations qui provoque ce sentiment :
- Un patron de TPE peut ainsi recevoir près de 9 sollicitations commerciales par jour, 11 s’il a des difficultés de trésorerie (voir 4).
2 – Que les installateurs de panneaux solaires ne sont plus sur le podium du marketing téléphonique intensif :
- Les secteurs de la téléphonie, de l’énergie, des assurances et du e-commerce représentent 70% des sollicitations commerciales. Par secteur d’activité, sur la période concernée, les grandes campagnes de démarchage commerciales sont réalisées par ou au nom de :
- Le secteur amélioration et confort de l’habitat (fenêtres, économies d’énergie…) représente à lui seul 12% des sollicitations commerciales
3 – Que des techniques sophistiquées permettent de se cacher derrière un numéro factice qui rend difficile l’identification du commanditaire de ces campagnes :
- Dans 30% des cas, les sociétés se réclament des sociétés citées sans qu’il soit permis de vérifier qu’elles sont bien des filiales ou des services de celles-ci ; ceci est particulièrement caractéristique dans l’énergie et les télécoms. Ceci est facilité par le fait que lorsqu’il s’agit d’appels de prospection, plus de 46% des appels sont faits soit avec un numéro masqué, soit avec des préfixes correspondant à de faux numéros d’appels.
4 – Que Bloctel ne devrait certainement pas, compte tenu des failles importantes ou exclusions du dispositif, diminuer le sentiment du « harcèlement » téléphonique :
- 23% des sollicitations commerciales sont faites par SMS ou messages vocaux – et ne rentreront donc pas dans le champ couvert par Bloctel.
- 43 % des appels – ou 33% des sollicitations, en prenant en compte les autres canaux - sont émis par des sociétés avec lesquelles le consommateur est déjà en contact avec le client – ce qui reste autorisé par la loi. Ces appels ou SMS ont notamment pour objet :
- la proposition de vente de services complémentaires,
- la proposition de vente de services imposés par la législation (mutuelles salariés par exemple),
- la proposition de reconduction de contrat,
- le recouvrement de créances,
- les rappels suite à abandon de paniers sur les sites de e-commerce.
- Enfin, les appels continueront d’être autorisés pour les partis politiques, les instituts de sondage, la presse et les associations caritatives.
5 – Que la mise en place du dispositif Bloctel et de l’attributaire du marché public en lien avec ce dispositif est lacunaire dans la mesure où :
- Les particuliers ne savent toujours pas faire la différence entre Bloctel et Opposetel ;
- Les professionnels ne savent pas non plus à qui s’adresser pour mettre en conformité leurs campagnes de télémarketing.
- La société Opposetel ne dispose pas en effet à ce jour de site internet et de ligne téléphonique dédiée. De nombreux éditeurs de logiciel de télémarketing ont contacté la rédaction du magazine En-Contact pour recueillir ces informations essentielles à leur activité.
- Le ministère en charge du projet et la DGCCRF n’ont pas répondu à nos questions techniques.
6- Que le harcèlement peut parfois amener les Français qui en sont « victimes » à de véritables pétages de plombs, les amenant à menacer de mort les téléconseillers.
- C’est le sens du témoignage de la télévendeuse interviewée mercredi 4 mai 2016 par Jean-Marc Bourdin sur RMC, ou des retraités qui ont eu le malheur de se faire « pirater » leur numéro de téléphone par les instigateurs de ces campagnes, comme Joëlle, à Villegongis, en octobre 2013.
- Ceci est dommageable pour un secteur en forte croissance, est pour le métier de télévendeur, pourtant désormais reconnu comme une réelle profession qui a généré plus de 50 000 créations de postes dans les pays francophones depuis 2004.
Commanditaire de cette étude, éditeur et rédacteur en chef du magazine En-Contact Manuel Jacquinet déclare : « Le télémarketing est une démarche commerciale vertueuse, adaptée à de nombreux métiers, pour autant qu’il soit bien préparé et utilisé de façon professionnelle par les marques et les institutions. Bloctel est un dispositif qui va connaître un grand succès populaire, mais qui reste à ce jour à mon avis mal préparé et trop lacunaire dans sa présentation pour faire diminuer sensiblement le sentiment de harcèlement téléphonique. Le métier de télévendeur et les pratiques commerciales associées souffrent d’images d’Epinal entretenues par des comportements dommageables, qui sont souvent le fait d’entreprises qui ne seront pas du tout contraintes par Bloctel. Dans quelques mois, on peut s’attendre à des milliers de plaintes, dont seulement une fraction seront efficacement considérées par les autorités compétentes. Il faudra une hotline pour Bloctel ! ».
Manuel Jacquinet,
éditeur du magazine En-Contact
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* Etude réalisée en partenariat avec la société d’études et agence de presse Radio Caroline Media sur la période de Juin 2015 à Février 2016. L’étude et ses résultats sont basés sur l’observation du nombre d’appels et de sollicitations commerciales reçues, sur le total de la période concernée, par un panel de 100 consommateurs français, issus de différentes régions géographiques et de différents milieux professionnels, sur leur téléphone fixe ou mobile. 20 d’entre eux sont ou étaient chefs d’entreprise sur la période concernée.
Le volume d’appels total a été quantifié et la proportion de ceux-ci émanant de sociétés dont les consommateurs étaient déjà clients établie, ainsi que la proportion de SMS commerciaux et de messages vocaux déposés après un seul appel.
A cet effet, et parallèlement, le site opposetel.io a été lancé par la société Radio Caroline Media afin de recueillir les coordonnées de personnes susceptibles d’être concernées par le sujet et dans le cadre exclusif de cette étude. En une semaine, plus de 800 personnes s’étaient inscrites sur le site, demandant d’être tenues informées.
En-Contact est depuis 2000 le magazine professionnel de référence sur les problématiques de service client et de centres d’appels.